Discours de son éminence, le Grand-Imam, Prof. Dr. Aḥmed al-Ṭayeb, cheikh de l’Azhar à l’occasion de la célébration de la Naissance du

Prophète 1444h./2022ap.J.C.
Au Centre al-Manārah pour les Conférences internationales
Al-Tajammu‘ – Al-Qahirah al-Jadīdah
9 rabi‘ al-Awwal 1444h/ 5 octobre 2021ap. J.-C.
Louange à Allah ! Que la paix et les bénédictions d’Allah soient accordées à notre maitre Mohamed, à sa famille et à tous ses compagnons.
Monsieur le Président ‘Abdel Fattāh al-Sissi Président de la République Arabe d’Egypte qu’Allah le Préserve.
Honorable audience !
Al-Salamu ‘alaykum wa raḥmatullahi wa barakātuh
Monsieur le Président ! Bonne année à vous tous ainsi qu’au monde arabo-musulman : rois, présidents, gouverneurs et peuples. Je vous souhaite plus de progrès, de prospérité, d’union, de force, de puissance, de bien et de bénédictions.
Il est de bon augure que la commémoration de la naissance du Messager d’Allah coïncide cette année avec la célébration la victoire d’octobre 1973 où Allah a rendu puissants les arabes et les musulmans, les a fortifiés de son secours, leur a rendu leurs territoires et leurs demeures après avoir infligé aux agresseurs de lourdes pertes en vie humaines, en armes, et en équipements que l’ennemi n’avait jamais imaginées.
La coïncidence de ces deux occasions aujourd’hui et après environ un demi-siècle indique aux musulmans que la récupération de leur gloire et de leur force dépend entièrement de leur attachement à la juste voie de leur Prophète Muhammad et de l’examen profond de son modèle unique quand il était en train de construire une Ummah et d’édifier une civilisation qui a survécu quinze siècles, une durée jamais réalisée par une autre civilisation à travers l’Histoire. En effet, cet examen implique d’étudier sa Sunna et de veiller à mettre en application les valeurs humaines et sociales suprêmes qu’elle contient dont en particulier la justice, la compassion mutuelle, l’égalité entre les humains et d’autres valeurs enregistrées dans l’Histoire et la biographie du Prophète, mais que le temps imparti ne permet d’aborder. Le Prophète nous a donc enjoint de garder à l’esprit sa biographie si nous voulons être une entité digne de notre histoire et de notre civilisation, qui a fourni au monde entier des leçons de raffinement, d’illumination, d’éducation et de correction de trajectoire. Une civilisation dont témoigne à la fois les ennemis avant les bâtisseurs et les amis. De sa part, le Prophète a attiré notre attention sur ce fait en disant : « Je laissai parmi vous le livre d’Allah ce auquel si vous vous accrochez, vous ne vous égarerez jamais : c’est le Livre d’Allah » et « J’ai laissé sur la voie claire de nuit comme de jour, ne s’en égare que celui qui est voué à la perdition. »
Notre monde ne se doute point qu’il ait fortement besoin de la guidée du Prophète Muhammad et de celle de ses frères, les Prophètes et les messagers, que la paix d’Allah soit sur eux surtout après avoir perdu des paris promettant de rétablir la paix et de mettre fin à la guerre pendant près de quatre siècles où il a réalisé un progrès matériel jamais vu. Mais dans sa course matérielle frénétique, l’humanité a souffert – et continue de souffrir – d’un énorme vide en termes de valeurs et de règles morales de sorte que la crise est devenue une crise éthique en général. Le principe de la compassion mutuelle en était la première victime qu’a perdu l’homme d’aujourd’hui après avoir abandonné ce principe tout se précipitant vers l’adoration des idoles de l’égoïsme et de l’amour de soi, la déification de l’homme, en donnant priorité à ses propres passions et désirs physiques, et en se libérant de toutes les contraintes de la religion et de la haute moralité. Dans un tel contexte, l’abondance de l’argent et le pouvoir de l’économie, le trafic des armes sont devenus les normes permettant seules de distinguer le bien du mal et le bon du mauvais. Elles seront la cause de la ruine de la civilisation et de son recul, si la guerre a lieu dans le monde.
Mr. le Président ;
Honorable audience ;
Or, nous cherchons aujourd’hui le principe de la compassion mutuelle qui est d’une importance majeure dans la stabilité de la vie aussi bien individuelle que sociales comme un aveugle qui cherche un chapeau noir dans une pièce sombre. Ce principe est l’un des traits caractéristiques les plus spécifiques de la personnalité du Prophète. En effet, on a beaucoup évoqué cet aspect remarquable de la personnalité du Prophète dans des ouvrages à part entière qui s’appuient essentiellement sur le discours divin où Allah l’a qualifié de compatissant et de miséricordieux dans le verset suivant : « Un Messager [issu] de vous est venu à vous. Ce que vous endurez lui pèse. [Vous guider au Droit Chemin] lui tient au cœur ! Envers les croyants, il est compatissant et miséricordieux ! » (al-Tawbah, le Repentir, v.128). Si l’on dit que ce verset fait référence à Sa miséricorde pour les croyants, ce propos aurait pu être juste si le verset suivant n’était pas intervenu pour confirmer que sa miséricorde était pour toutes les créatures : « Et Nous ne t’avons envoyé que comme une miséricorde pour l’univers. » (al-Anbiyā’, les prophètes, v.107). Cette miséricorde est l’essence de son message dans tous ses aspects : croyances, morale, comportement et législation avec toutes ses dimensions individuelles, familiales, sociale et internationale. En outre, le hadith suivant met accent sur ce sens en ces termes : « Ô vous les gens, je ne suis qu’une miséricorde offerte » pour indiquer qu’il est, par sa propre personne et ses qualités, n’est qu’une incarnation de la Miséricorde d’Allah que le Très-Haut présente comme une offre à toutes les créatures. Ce sens est largement et globalement réitéré pour la troisième fois dans le hadith où le Prophète dit : « Certes je n’ai été envoyé que pour parfaire les nobles comportements ». Je n’ai été envoyé que pour parfaire les nobles caractères. » Cela démontre que les nobles caractères constituent la finalité sublime du message de l’Islam, voire les autres messages divins avant l’Islam. L’expression « je n’ai été envoyé que pour parfaire les nobles caractères » fait preuve de l’équité du Prophète envers ses frères les Prophètes et les messagers qui l’avaient précédé dans la mesure où il se présente comme étant la personne qui complète et parfait ce que les autres avaient déjà commencé. Il n’avait pas non plus créé un nouveau système éthique ou de nouvelles valeurs que les autres religions divines antérieures n’avaient jamais connue de près ou de loin.
Je n’exagère pas en disant que les aspects de la miséricorde du Prophète sont innombrables et illimités, car elle a rendu faveur à l’histoire lorsque la mission du prophète a sauvé des nations qui étaient sur le point de mourir ou de se suicider. Interrogez la Perse, la Byzance, l’Europe du Nord, l’Egypte, l’Inde, l’Arabie et comparez leur situation à l’avènement du Prophète et celle après une ou deux décennie(s) de sa mort. Ce faisant, nous allons savoir la différence, croire en la véracité du noble Coran et du hadith du Prophète. Cette miséricorde s’est étendue pour engober les musulmans et les non-musulmans, même ceux qui se donnent ses ennemis, ont manifesté la haine et la rancune, lui ont fait tort dans sa personne, sa famille, sa vie et son honneur. Il ne se contente pas de pardonner les fautes, de les absoudre et de les oublier, mais il donnait davantage disant : « Seigneur, Guide ma communauté, car ils ne savent pas !»
D’ailleurs, les faibles, que ce soit parmi les compagnons ou les non-compagnons, étaient dignes de sa miséricorde, de sa tendresse et de son soin. Sur ce, le Prophète recommanda ses compagnons en leur disant : « Nourrissez-les de ce dont vous mangez vous-mêmes et habillez-les de ce que vous vous habillez. Ne faites subir les créatures d’Allah à une supplice. S’il arrive de les charger de faire de telles charges, aidez-les à l’accomplir. »
Et lorsqu’un bédouin vint trouver le Prophète et lui dit : Ȏ Messager d’Allah ! Combien de fois dois-je pardonner [les fautes] au serviteur ? Le Prophète lui répondit : « Pardonne-lui [les fautes] soixante-dix fois chaque jours.»
Il interdisait également à ses compagnons de dire à leurs serviteurs : « ‘abdī (mon esclave) » ou ̕ amatī (ma femme esclave) » en leur rappelant que toutes les créatures sont les serviteurs d’Allah. Il vaut mieux dire donc : fatāy ou fatātī (mon jeune garçon ou ma jeune fille) ». Il enjoignait de donner le salaire aux travailleurs avant l’assèchement de leur sueur. Il vénérait les personnes âgées et était miséricordieux envers les petits. À ce propos, en décrivant cette miséricorde n Anas Ibn Mālik, qu’Allah l’Agrée, dit : « Je ne vis personne plus miséricordieux envers les enfants que le Messager d’Allah : il faisait la prière alors qu’il portait sa petite-fille Umāmah, la fille de sa fille Zaynab, qu’Alalh l’Agrée. s’il se mettait à se prosterner, il amettait à terre et si il se tenait debout, il la portait.””

De même, les filles ont obtenu davantage sa miséricorde plus que les males contrairement aux habitudes de la société arabe qui préférait les jeunes garçons aux jeunes filles à cette époque-là. Pour mettre en lumière cette éthique du Prophète, nos citons les hadiths suivants :
Anas Ibn Mālik (Asl) rapporte que le Messager d’Allah (pbAsl) dit : « Quiconque prend en charge deux filles jusqu’à ce qu’elles atteignent l’âge de la majorité, lui et moi seront ressuscités le Jour de la Résurrection, de cette façon (il joignit les doigts de sa main.» [Muslim, n°2631]On rapporta qu’Abū Mas‘ūd al -Badrīi (Asl) dit : « J’étais en train de fouetter l’un de mes domestiques quand j’entendis une voix de derrière moi m’écrier : “Sache, ô Abū Mas‘ūd ! qu’Allah a plus de pouvoir sur toi que tu n’en as sur ce jeune homme.” ..Quand je m’étais retourné, je trouvai que c’était le Messager d’Allah. Je lui dis alors : “Ȏ Messager d’Allah ! Il est affranchi pour la satisfaction d’Allah”. Et le Prophète de reprendre : “Si tu n’avais pas fait, le feu t’aurait brûlé ou le feu t’aurait touché.” » [Muslim, n°1659/35].
Quant à sa miséricorde envers les orphelins, nous pourrions en dire beaucoup. Nombreux hadiths ont été rapportés pour le mettre en relief comme les suivants :
« La meilleure maison des musulmans est celle où se trouve un orphelin envers qui on est bienfaisant et la mauvaise maison est celle où il y a un orphelin auquel on porte atteinte. »
Quiconque lit la sourate al-Duha (la Matinée), qui est parmi les premières sourates révélés du Coran et médite la parole du Très-Haut : « Quant à l’orphelin, ne l’opprimé pas ! Quant au mendiant, ne le repousse pas! “(Sourate al al-Duha (la Matinée), il sera étonné de cette religion dont les enseignements et les directives protègent l’orphelin et les pauvres mendiants, ou bien ils protègent les faibles du fait de violer ses droits et de blesser ses sentiments. Méditez également la sourate al-Ma‘ūn, qui est l’une des premières sourates mecquoises, et relisez ses premiers versets : As-tu vu celui qui tient le Jour de la rétribution pour mensonge ? C’est celui qui repousse [brutalement] l’orphelin et n’incite pas [ses semblables] à nourrir le pauvre.
Ensuite si l’on interroge sur celui qui traite de mensonge le Jour de la rétribution, le Coran nous répond que c’est celui qui repousse [brutalement] l’orphelin et n’incite pas [ses semblables] à nourrir le pauvre. Et si vous continuer à lire la même sourate, vous allez découvrir un autre trait caractéristique : il refuse obstinément de donner la main forte ou plutôt celui qui ne se dépêche pas pour aider le voisin et le proche parent même avec la moindre des choses.
C’est pour cette raison que le Prophète aimait les pauvre, les nécessiteux et prenait soins d’eux. Il invoquait toujours : « Ô Seigneur, fais que je vis nécessiteux, que je meure musulman et que je serai ressuscité parmi les nécessiteux le jour du Jugement dernier.»
De même, ‘Ā’ishah, la mère des croyants, qu’Alalh l’Agrée, dit : « La famille de Muḥammad ne mangeait pas de pain de blé jusqu’à satiété pendant trois (jours successifs) jusqu’à son départ prédestiné. ». Elle rapporte aussi qu’ils (les membres de la famille du Prophète) égorgèrent un mouton. Le Prophète demanda alors : « Qu’est-ce qui reste de ce chameau ?

  • Il ne reste que l’épaule ?
  • non, il reste tout sauf l’épaule. »
    Le hadith indique que ce que nous avons distribué de la viande est beaucoup et c’est celui-ci qui restera pour toujours auprès ‘Allah. Quant à l’épaule, elle ne reste plus, car elle fut apportée à la famille du prophète afin d’en manger.

D’ailleurs, le Prophète ordonnait de mettre beaucoup d’eau en faisant de la soupe et d’être bienfaisant envers les voisins :
Il (pbAsl) dit : « Ô Abū Zarr ! Lorsque tu fais de la soupe, mets beaucoup d’eau et sois bienfaisant envers tes voisins ! »
Le prophète incitait ses compagnons à donner de l’aumônes autant que possible en recommandant aux femmes de ne pas dédaigner ce que la voisine lui donne en aumône fut-ce minime. Il leur disait donc : « Ô femmes musulmanes, qu’aucune de vous ne dédaigne pas [offrir] à sa voisine fut-ce un pied de brebis. » c’est-à-dire même un petit os sur lequel il y a peu de viande.
En outre, le Messager d’Allah intervenait en faveur des êtres faibles pour les protéger afin de leur éviter tout danger. L’exemple suivant l’illustre clairement : L’un des compagnons rapporta : « Nous étions en voyage avec le Messager d’Allah . Il s’en alla faire ses besoins. Nous vîmes alors un oiseau de couleur rouge avec ses deux petits. Nous prîmes les deux oisillons et leur mère se mit à voler au-dessus de nos têtes. A ce moment le Prophète arriva et dit : “Qui a fait de la peine à cet oiseau en lui prenant ses petits ? Allez, rendez-lui ses petits !” »
Et dans un autre hadith, le Prophète disait : « Celui qui sépare entre une mère et son fils verra Allah séparer entre lui et ses bien-aimé le jour de la résurrection. » tout ce que nous avons mentionné n’est que peu de chose par rapport à ce qui a été dit à ce propos. Ce qui renforce notre thèse du début de mon discours lorsqu’on a dit que les connaissances et les enseignements divins, moraux et législatifs qui abondent dans l’école de la prophétie Muhammad . Voilà donc le plan permettant de sauver les Arabes et les musulmans dans leur bataille civilisationnelle d’aujourd’hui et dans leur formulation des sociétés contemporaines, une formulation basée sur le progrès éthique qui doit va du pair avec le progrès scientifique et technique.

M. le Président ; Encore une fois chaque année : je vous souhaite plus de bonté, et de succès. Al-Azhar salue vos efforts assidus et votre travail inlassable pour réaliser la prospérité de la patrie et des citoyens.
Qu’Allah vous Accorde toute réussite !
Al-Salamu ‘alaykum wa raḥmatullahi wa barakātuh
(Que la paix, la miséricorde et les bénédictions d’Allah soient sur vous )
Fait 8 rabi‘ al-Awwal 1444h/ 4 octobre 2021ap. J.-C.

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