Lumière primordiale, Homme universel, FraternelLe Prophète

Le Coran, notamment dans la sourate Les Coalisés, al-Ahzâb, rappelle aux croyants, soumis à de rudes épreuves et à la persécution lors des temps premiers de la Révélation à la Mecque, que l’exemple excellent à suivre est le Prophète magnanime, miséricorde, patient et adorateur de Dieu : « Vous avez en l’Envoyé de Dieu un beau modèle pour ceux qui aspirent à Dieu, au Jour dernier et invoquent Dieu sans trêve ». (33-21)

Une lumière primordiale

Aujourd’hui plus que jamais, il nous faut assumer notre responsabilité pour, par notre comportement, faire connaître au monde le beau modèle, le bien aimé de Dieu, défini comme : « le flambeau rayonnant » (33-46) Pour Le Coran le Prophète est celui qui, par la permission de Dieu, fait sortir des ténèbres vers la lumière.

Dans la sourate « La Lumière », Le Coran parle de « lumière sur lumière » : « Dieu est la lumière des cieux et de la terre. Semblance de Sa lumière : une niche où brûle une lampe, la lampe dans un cristal …Lumière sur lumière ! Dieu guide à Sa lumière qui Il veut… » (24-35)

Les grands commentateurs, comme Ibn Arabi et Tabari, interprètent cela comme l’harmonie des deux Lumières, celle du Coran et celle du Prophète, que Dieu a envoyé à l’humanité.

La lumière divine descendue en tant que Parole révélée et la lumière intérieure du Prophète octroyée par Dieu, guident et éclairent les esprits humains et tous les prophètes.

Dieu informe que « Le Prophète est plus proche des croyants qu’eux-mêmes » (33-6) Ce lien dépasse tous les autres, d’où que L’amour des croyants pour le Prophète est la condition de leur foi confiante et reconnaissante. Les non musulmans ont de grandes difficultés à saisir cette relation sacrée, d’infini respect, sans aucune idolâtrie ou confusion.

Le Prophète a enseigné : « qu’il ne faut pas exagérer la dévotion à mon égard », et le Coran lui demande de dire : « Dis : “Je ne vous dis pas que je détiens les trésors de Dieu, ni que je connais l’Inconnaissable, et je ne vous dis pas que je suis un ange. Je ne fais que suivre ce qui m’est révélé.” Dis : “Est-ce que sont égaux l’aveugle et celui qui voit ? Ne réfléchissez-vous donc pas ? » (6-50) Nanti d’une mission finale sans pareille, il est la lumière, le guide et le maître des musulmans, qui prient sur lui pour faire descendre les grâces divines.

Le Coran montre que le Prophète est spirituellement le premier des envoyés : « Lors Nous reçûmes des prophètes leur engagement : de toi, de Noé, d’Abraham, de Moise, de Jésus fils de Marie… » (33-7) Et ajoute qu’il est temporellement le dernier, le Sceau : « Muhammad n’est père d’aucun de vos mâles, mais l’Envoyé de Dieu, le Sceau des prophètes » (33-40) Après lui , jusqu’à la fin des temps, plus aucune nouvelle Loi. La Voie mohammadienne est définie comme l’excellence, pour de multiples raisons.

 Il est envoyé, proclame le Coran, comme miséricorde. Il est celui qui loue Dieu en toutes circonstances, lors des épreuves et des vicissitudes il reste confiant, tourné vers son Seigneur source de toute lumière.  Sachant que par la foi et le bon comportement le croyant est fidèle au pacte de prééternité qui le lie à Dieu, engagement pour faire briller en notre cœur la lumière divine, le Prophète affirme être venu pour parfaire les caractères, éduquer, guider. Les croyants sont les semences et les reflets de sa lumière.  

Magnanime et juste, l’homme universel du juste milieu

Face aux attaques et à l’hostilité subies, le Prophète sollicité par ses compagnons pour demander l’aide de Dieu afin de punir ses détracteurs, répondit : « Je n’ai pas été envoyé pour maudire, mais comme miséricorde pour l’humanité » (Rapporté par Bukhari et Muslim)

Il savait que les prophètes ont pour conduite la patience : « Certes, des messagers avant toi (Muhammad) ont été traités de menteurs. Ils endurèrent alors avec patience d’être traités de menteurs et d’être persécutés, jusqu’à ce que Notre secours leur vînt. Et nul ne peut changer les paroles de Dieu, et il t’est déjà parvenu une partie de l’histoire des Envoyés. » (6-34)

Conformément aux exigences et recommandations du Coran, il enseignait que le pardon vaut toujours mieux que de demander réparation à un tort subit. Il ne faut jamais répondre à la provocation, ou sombrer dans une escalade. La vengeance est interdite et la vie est sacrée. L’enseignement du Prophète était limpide : pour être pardonné par Dieu, il faut d’abord être soi-même pardonnant, magnanime et miséricorde. 

Le Prophète est l’homme universel, total, complet, du juste milieu. Ibn Arabi (1165- 1240) dans le chapitre de son ouvrage majeur Futûhât, où il analyse la sourate al-‘asr, prière du milieu, il est question de la médianité de l’islam et du Prophète, qui selon ce grand maitre mystique préserve l’Homme de toute déviation : “S’agissant du croyant exemplaire…il demeure exempt de toute influence…le spirituel au bel agir atteint la pleine sobriété (fî ghâyat al-sahw), à l’exemple des Envoyés.” 

L’homme médian, le Prophète, est équilibré, humble et sobre. Il témoigne, mais ne cherche pas à briller ou à imposer son point de vue, ni à montrer ses qualités spirituelles. Il est l’éducateur par excellence et apprends à ses compagnons comment enseigner.

La pédagogie discréte et subtil de l’homme médian, est pour Ibn Arabi le signe de l’élévation spirituelle, caractéristique des héritiers du Prophète.

Humilité et non dissimulation, le connaissant,‘ârif, transcende les apparences. La connaissance que Dieu octroie à ceux qu’Il aime, reste accessible à ceux qui s’inscrivent dans l’intériorité, la confiance et la patience. « Adore Dieu comme si tu Le vois, car si tu ne Le vois pas Lui te voit » cette parole prophétique, participe au souffle qui ne doit pas quitter le croyant, ne pas désespérer de la miséricorde et viser l’excellence.


Par la médianité excellente du Prophète, l’homme qui unit en lui toutes les qualités des autres envoyés, le croyant retrouvera ses significations. Le concept de médianité, wassatiya, est le plus important sur le plan théologique, après celui de Tawhid, l’Unicité de Dieu. Il s’appuie sur l‘idée d’équilibre, de modération, de mesure, du refus de tout excès, de tout désespoir et de toute idolâtrie. Le Prophète appelle à en être digne. Il offre le modèle de l’homme équilibré, en particulier la possibilité de trouver la voie juste entre l’autonomie de l’individu et la vie commune, entre l’origine et le devenir, entre la rigueur et la clémence.
 
Le Prophète enseigne que la religion a pour fonction de favoriser la connaissance de soi et l’interconnaissance, condition de la coexistence et de la réalisation intérieure. Le Coran et la Sunna définissent le musulman à la fois comme un être rationnel, un être spirituel, un être social. C’est une vision qui vise l’équilibre, l’articulation et la complémentarité entre les dimensions essentielles de l’existence. Nier l’une d’elles crée des déséquilibres. L’humain peut sombrer si une partie de lui manque. Le Prophète, l’homme universel, est la voie du bonheur sur terre et du salut dans l’au-delà.
 
La ligne universelle du Prophète se veut de la hauteur de vue, de la rectitude, non pas seulement au centre entre des postures contraires, mais leur dépassement, pour choisir toujours l’ouvert sur le fermé. Le Prophète explique que le Coran vise la subtilité : « En vérité, mon Seigneur est Subtil dans ce qu’Il veut » (12.100) et l’équilibre « La vie dernière est meilleure pour toi que la vie ici-bas » (93.4) et « N’oublie pas ta part en ce bas monde. » (28.77)

Le Prophète de la fraternité

Dans toutes les langues du monde, lorsqu’on écrit ou que l’on prononce le mot « Prophète », tout le monde sait immédiatement qu’il s’agit du prophète de l’islam, sans même avoir besoin d’ajouter son nom : Mohammed (sws).

Il est la figure universelle de l’Envoyé, comme annonciateur, avertisseur et éducateur. Il ne prétendait à rien d’autre. Il a vécu et agit dans le cadre de cette mission, dépassant toutes les frontières, pour apprendre à tous comment adorer le Créateur des mondes et vivre fraternellement ensemble. Pour l’islam, il réunissait la quintessence des qualités de tous les envoyés, ses frères et ses prédécesseurs, de Noé à Abraham, Moise, et Jésus.

La vision du Prophète, modèle de vie pour les musulmans et qui témoigne d’un sens fraternel de l’humain, respecte le droit à la différence. Le Coran précise que le Prophète est : « Miséricorde pour les mondes » ! L’enjeu du vivre ensemble fraternel est au cœur de la mission du Prophète. Avant tout le Prophète était juste, il respectait tous les êtres humains et toutes les créatures.

Le souci premier du Prophète était d’éveiller les consciences au principe du Dieu Un, origine de la vie, qu’il nous faut adorer, et respecter la dignité humaine en donnant la priorité à la fraternité humaine. Et partant de forger ainsi le vivre ensemble sur la base d’orientations spirituelles claires et ouvertes.

Le concept du vivre ensemble par la fraternité universelle est le fil conducteur de l’action du Prophète, dont l’horizon était éclairé par l’engagement de faire triompher la religion révélée fondée sur l’axiome d’une éthique qui vise la responsabilisation de l’humain. Croire relève du mystère, de l’intuition, de l’intériorité ; dans ce sens, le Prophète vise à respecter la liberté de conscience, et à ouvrir en conséquence les possibilités du vivre ensemble.

Le Prophète est une personnalité historique, bien réelle, qui a changé la face du monde et interpelé les consciences. Point central, il était « l’homme sûr », de confiance, de parole donnée, pétri par la miséricorde. Jamais il n’a jugé, condamné ou violenté quiconque.

Il disait que nous n’avons ni à faire peur, ni à avoir peur. Personne ne doit craindre le musulman. Au contraire, sa parole, sa maison, sa terre, sa mosquée doivent être un refuge, un lieu sûr, pour tous. Le Prophète, considéré comme el amine, l’homme sûr, l’homme de confiance fondait sa pratique sur le respect de toute la création et la bonté. Il appelait tous les prophètes venus avant lui : « mes frères ». Fraternité musulmane, fraternité des gens du livre et fraternité humaine

Il appelait à faire de la mosquée un lieu de fraternité musulmane, monothéiste et humaine. Lieu de louange, de prosternation et de prière comme adoration paisible, mais aussi, lieu de savoir et de culture. Ce qui compte c’est l’intériorité du cœur et le bien commun. D’où le dire prophétique hadith qui énonce l’idée que le cœur de l’homme de vérité contient le divin, ce que la Terre tout entière ne pourrait faire.

En faisant allusion aux dénégateurs qui l’agressaient, le Prophète disait « Mon Dieu, pardonnes leur, ils ne savent pas ce qu’ils font ». Comme le Prophète, donnons à réfléchir au monde entier, en nous inspirant de son comportement avec patience, droiture, et bonté.

Nous ne laisserons pas détourner de la conduite pieuse et juste, de la foi réfléchie et magnanime, initiées par le Prophète. Plus que jamais, nous avons besoin de nous inspirer de la conduite du Sceau des envoyés, pour faire face aux défis de notre temps en assumant nos responsabilités. Sa lumière éclaire nos âmes et nos chemins !

Pr Mustapha Cherif, philosophe et islamologue, auteur notamment de « Le Prophète et notre temps », éditions Albouraq, Paris et éditions Anep, Alger. Et « L’émir Abdelkader apôtre de la fraternité », éditions Odile Jacob, Paris et éditions Casbah Alger

Par Mustapha Cherif*

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